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Science et connaissance de la connaissance

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est-il nécessaire d'être scientifique pour être épistémologiste ?

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Dans le langage courant, le mot science peut avoir plusieurs sens et il convient, avant de se lancer dans un exposé sur l'épistémologie (du grec epistêmê « science » et logos « étude »), de bien les différencier. Selon Robert (1995, p. 2051), dans son application la plus large, le mot science se confond souvent avec le mot savoir ou même simplement connaissance. Cette définition, trop large, n'est certes pas celle que nous voulons
retenir dans le cadre de cet exposé. Toujours selon le même auteur, le
mot science peut aussi être associé au savoir-faire que donnent les connaissances et, bien que ce sens soit déjà plus restrictif, il ne nous convient
toujours pas. Nous retiendrons plutôt la définition suivante que propose
Robert, en précisant qu'il s'agit du sens moderne et courant :
« Ensemble de connaissances, d'études d'une valeur universelle, caractérisées par
un objet (domaine) et une méthode déterminés, et fondées sur des
relations objectives vérifiables. » (p. 2051)
Cette définition nous convient parce qu'elle ne fait pas référence à une, mais
bien à un ensemble de connaissances qui ont, par ailleurs, une valeur
universelle (qui s'appliquent à l'ensemble de tout ce qui existe) plutôt
que conventionnelle ou simplement arbitraire. Cette définition moderne
associe également au mot science une certaine forme de rigueur et d'objectivité qui nous apparaît
essentielle (dans la mesure où la rigueur et l'objectivité sont
possibles, ce qui, nous le verrons plus loin, ne fait pas l'unanimité).
Finalement, et nous nous attarderons plus particulièrement sur ce
détail, la définition citée mentionne que les sciences sont fondées sur
des relations vérifiables. L'adjectif vérifiable, toujours selon Robert (1995, p. 2373), fait référence à une
confrontation avec les faits ou à un contrôle de la cohérence interne
des connaissances. Il nous apparaît évident que, dans le contexte de la
définition d'une science, la seule cohérence interne d'un ensemble de
connaissances ne saurait leur donner une valeur universelle et que seule
une confrontation avec les faits garantit que ces connaissances sont
applicables à l'univers et, de ce fait, ont possiblement une valeur
universelle. Nous ne pouvons donc retenir l'énoncé qu'un ensemble de
connaissances cohérentes, par leur existence même, font partie de
l'univers et par conséquent s'appliquent à lui puisque cet argument nous
contraindrait à accepter aussi comme scientifique tout énoncé existant
(considéré comme un ensemble complet), dans la mesure où cet énoncé ne
se contredit pas lui-même.Granger (1995, p. 45-48) reprend l'essentiel de la définition précédente en la séparant
en trois traits principaux caractérisant la science et que nous
résumons ainsi :
la science vise une réalité par une recherche constante, laborieuse et cependant créative de concepts orientés vers la description ou
l'organisation de données résistant à nos fantaisies ;la science a pour objectif ultime de décrire, d'expliquer, de comprendre et non directement d'agir ;la science a le souci constant de produire des critères de validation publiques, c'est-à-dire exposés au contrôle instruit de
quiconque.Avec son critère de réfutabilité, Popper (1985, p.230) va encore plus loin et propose qu'un ensemble de
connaissances, pour être qualifié de science, doit non seulement être
vérifié ou vérifiable, mais doit de plus s'exposer d'avance à être
réfuté par l'expérience (par expérience, nous entendons le résultat
d'une interaction avec la réalité). Ce critère de Popper,
particulièrement contraignant, fait intervenir deux idées principales
soit, premièrement, la nécessité pour une théorie scientifique de faire
au moins une prédiction et, deuxièmement, la nécessité que cette
prédiction concerne une expérience nouvelle (dont on ne connaît pas
encore le résultat avec une précision suffisante) susceptible de réfuter
la théorie. En ajoutant une dimension temporelle à la définition d'une
science, Popper exclut du domaine scientifique, entre autres, toutes les
théories qui ne font que s'ajuster a posteriori aux expériences en ne prédisant rien de nouveau. À notre avis, tout
contraignante qu'elle soit, c'est cette obligation de nouveauté qui
donne tout son sens au critère de Popper et, dans le même élan, projette
les sciences modernes vers l'avant. C'est une vision opérationnelle de
la science, c'est-à-dire qu'elle implique sa propre vérification sous
forme de postulats opérationnels, et c'est pourquoi nous utiliserons
cette définition possible des sciences comme point d'ancrage de la
discussion qui suit. Évidemment, cette définition de la science ne fait pas l'unanimité. Jarroson (1992,
p. 167-168) présente trois limites quant à l'utilisation du critère de
Popper que nous résumons ainsi :
Il existe des propositions qui ont un sens, mais qui ne sont pas réfutables. Par exemple, « il existe des hommes immortels » ; il
faudrait tuer tous les hommes pour démontrer que cette proposition est
fausse.Il est rare qu'une expérience permette de ne réfuter qu'une seule théorie à la fois. Par exemple, quand on observe une bille qui tombe
pour étudier la mécanique, on admet aussi la théorie de la lumière qui
permet de voir la bille.On ne peut jamais être certain de la validité d'une expérience ou d'un ensemble d'expériences. Il faut toujours faire la conjecture
fondamentale de se fier à l'expérience.La première limite ne pose pas de problème majeur, puisqu'on peut toujours se
restreindre à ne considérer que les théories qui sont effectivement
réfutables. La seconde limite nous contraint à considérer la science
comme un ensemble, ce qui n'est pas un problème insurmontable.
Cependant, la troisième limite, plus profonde, mérite qu'on s'y attarde.
Le courant épistémologique constructiviste, qui sera présenté un peu
plus loin, reprend cet argument pour remettre en question la possibilité
d'établir des relations objectives en proposant que le sujet connaissant est indissociable de la
connaissance produite. L'impossibilité d'établir des relations
objectives invalide évidemment le processus objectif de vérification et
rend impossible l'application stricte du critère de Popper. La
définition des sciences doit alors être révisée. Dans cet esprit,
Robert (1995) rapporte que, dans le domaine de la didactique et des
sciences humaines, on utilise habituellement la définition suivante du
mot science qui ne retient que les deux premiers éléments de la définition courante :
« Corps de connaissances ayant un objet déterminé et reconnu, et une méthode propre; domaine organisé du savoir. » (p. 2051)
On pourrait citer à titre d?exemple Gingras (1995) :
« ce qu?on appelle la science est un savoir qui repose sur des conventions » (p. 27)
Puisque notre travail s'inscrit dans le cadre de la didactique, il nous apparaît
prudent de prévenir le lecteur que l'usage, en didactique, ne sera pas
respecté. Pour éviter toute ambiguïté, le mot science sera utilisé dans son sens courant. Lorsque nous ferons référence à la
définition didactique ou constructiviste d'une science, nous le
mentionnerons explicitement.
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