La Chambre de Van Gogh à Arles Vincent Van Gogh (1853-1890)
La courte carrière du peintre hollandais Vincent Van Gogh est marquée de révélations successives. En 1886, il s’installe à Paris. Il y rencontre les peintres impressionnistes et commence à utiliser des tons plus clairs. Mais ce sont surtout les estampes japonaises qu’il admire et qui l’inspirent . Elles lui donnent notamment le goût des couleurs vives et des contours cernés qui deviendront caractéristiques de son style. Dans le Midi, où il s’installe en 1888, il découvre enfin la lumière dont il rêvait, celle qui exalte les couleurs et révèle leur pouvoir expressif.
Une chambre pour « reposer la tête »
À Arles où il s’établit en février, il loue la « maison jaune » et réalise des peintures pour en décorer les murs, comme les célèbres Tournesols Sa chambre devient même le sujet d’un tableau, dont il fournira plus tard deux autres versions. Celle du musée d’Orsay a été réalisée en 1889 , alors qu’il était interné à l’hôpital psychiatrique de Saint-Rémy-de-Provence. Il l’a peinte spécialement pour l’offrir à sa mère. Une lettre à son frère Théo nous éclaire sur ses intentions : « La vue du tableau doit reposer la tête ou plutôt l’imagination », écrit-il. L’artiste qui traverse une période difficile apparaît clairement en quête d’apaisement. Au travers de cette œuvre, il veut suggérer le repos auquel il aspire et cherche à calmer les tourments qui l'assaillent. Seule l’étrange perspective qui définit l’espace de la chambre laisse transparaître une instabilité, une inquiétude : le mobilier semble flotter dans la pièce, le lit glisser vers le spectateur.
L’expression par la couleur et la texture
Tout le tableau repose sur le travail de la matière picturale qui est tout à la fois couleur et texture. Elle est texture, car Van Gogh la triture presque comme un sculpteur, il joue avec la forme de la touche, il accentue les reliefs en créant des empâtements, sur les oreillers par exemple. Partout il laisse visible la trace du couteau, de la brosse ou du pinceau dont il s’est servi pour appliquer la pâte sur la toile.
Mais cette matière picturale est avant tout couleurs qui illuminent la toile. Van Gogh n’a même pas représenté les ombres des objets. Il n’a privilégié que des teintes franches, dont la vivacité est déconnectée de la réalité. Comment, dans une chambre aux volets clos, les couleurs pourraient-elles vibrer avec tant de force ? Van Gogh poursuit donc un autre but. Il expérimente les rapports de couleurs. Il étudie les contrastes en jouant des complémentaires (rouge/vert, jaune/violet, bleu/orange). Les zones colorées se répondent ainsi à l’intérieur du tableau. Dans une lettre à son frère Théo, Van Gogh décrit le tableau en ces termes : « Les murs sont d'un violet pâle. Le sol est à carreaux rouges. Le bois du lit et les chaises sont d'un jaune beurre frais. Le drap et les oreillers citron vert très clair, la couverture rouge écarlate... »
Ce travail sur la texture et sur la couleur n’a d’autres buts que de traduire des émotions sur la toile et de suggérer des sensations à qui regarde le tableau.
Un certain isolement
Mais cette chambre vide aux volets clos révèle surtout l’isolement de Van Gogh, la solitude qui hante aussi bien sa vie personnelle que son parcours artistique. Il n’expose pratiquement pas. Toute sa vie, il peine à trouver un public qui apprécie son travail, hormis son frère Théo avec qui il entretient une correspondance assidue, et des peintres d’avant-garde comme Émile Bernard ou Paul Gauguin. Il rêvait de former un groupe de peintres travaillant ensemble, mais se brouille très vite avec Gauguin qui était venu le rejoindre à Arles et se retrouve seul.
Si Van Gogh a été sensible à l’influence des impressionnistes, il a développé un peu en marge de leur courant une technique propre et proposé une réflexion originale sur la peinture. Cette démarche très personnelle rend l’artiste difficile à classer. On le situe généralement à la suite des impressionnistes, parmi les postimpressionnistes. Son œuvre aura une influence considérable sur les artistes de la génération suivante, ceux que l’on désigne sous le nom de « Fauves » qui chercheront aussi, au début du XXe siècle, à exalter la couleur et à exprimer par elle les émotions les plus fortes, même dans les scènes les plus ordinaires, comme Maurice de Vlaminck dans La Cuisine
Enfin, la violence de la touche et les émotions qu’il transmet font de Van Gogh l’un des précurseurs des expressionnistes allemands, parmi lesquels les peintres Ernst Ludwig Kirchner , Emil Nolde, Oscar Kokoschka et les cinéastes Fritz Lang et Murnau.
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