Constantinopole...une ville pas comme les autres!
Capitale de l’Empire byzantin jusqu’à sa prise par les Turcs ottomans en 1453, date à laquelle elle prend le nom d'Istanbul.
HISTOIRE
1. La fondation de la « Nouvelle Rome »
Constantinople a été fondée sur le site de l'antique Byzance (elle-même fondée en 658 avant J.-C.) par la volonté de l’empereur Constantin Ier le Grand qui a voulu donner à l'Empire romain une seconde capitale, plus proche des provinces menacées par les Barbares des Balkans et les Perses sassanides. Construite entre 324 et 336, la « Nouvelle Rome » a été inaugurée le 11 mai 330.
Capitale politique par la présence continue de l'empereur dès le ve siècle, religieuse par le siège du patriarcat d'Orient, intellectuelle grâce à son université (fondée en 330), économique par sa position au carrefour des grandes routes commerciales, Constantinople est protégée par une double enceinte militaire – murs de Constantin Ier (ive siècle) et de Théodose II (ve siècle) –, complétée, sur ses trois faces maritimes, d'importantes fortifications qui la préserve de tous les assauts jusqu'en 1204.
2. Une capitale politique
Juridiquement, Constantinople est dès sa fondation l'égale de Rome. L'ancienne boulê de Byzance, transformée en sénat, joue un rôle politique essentiel jusqu'en 1453 ; son approbation est indispensable à la légitimation du pouvoir impérial et son avis est sollicité par les empereurs. Le souverain recrute les membres de la haute administration et du consistoire. Le premier des sénateurs, membre de droit du consistoire, est le préfet de la ville (ou éparque), qui gère la cité et préside le tribunal impérial en l'absence de l'empereur.
Peuplée de 400 000 habitants au vie siècle, Constantinople voit sa population divisée en quatre factions groupées deux à deux – les rouges et les verts, les blancs et les bleus –, dont les couleurs sont portées et défendues par les cochers des courses de chars de l'hippodrome. Les deux factions les plus importantes sont les bleus (population strictement orthodoxe des quartiers aristocratiques, les Blachernes) et les verts (population des quartiers pauvres de Sainte-Euphémie, sur la Corne d'Or). Les factions s'unissent parfois (→ sédition Nika en 532, soulèvement de 602) pour défendre leurs libertés contre l'arbitraire impérial. Après 610, l’empereur Héraclius Ier limite leur rôle à l'organisation des jeux et les organise militairement en les rattachant à la garde impériale.
3. Une puissance économique
3.1. Le plus grand comptoir du Moyen Âge
Constantinople sera, en effet, jusqu'en 1453, le plus grand emporium du Moyen Âge. Principal entrepôt des produits orientaux (soie grège et épices) dès le vie siècle, au détriment d'Alexandrie et d'Antioche, la capitale impériale reçoit en outre, par les ports de la mer Noire, le blé scythe ou bulgare, les esclaves slaves, les pelleteries du Nord, l'ambre de la Baltique ; d'Asie Mineure et de Méditerranée affluent l'alun de Phocée, le henné de Chypre, les vins de Crète et de Grèce. D'Occident parviennent les blés et les vins d'Italie, le sel de l'Adriatique, les bois de Dalmatie, les esclaves des Balkans.
3.2. Le centre des industries textiles
L'importance de son activité commerciale contribue à faire de Constantinople le centre industriel de l'Empire : l'étroit contrôle imposé par l'État aux fabrications et aux exportations byzantines est facilité par la concentration en une seule ville de toutes les industries, qui sont essentiellement des industries de luxe, transformant les matières premières importées en produits fabriqués de haute valeur. Parmi elles, les textiles occupent la première place : travail du lin par la corporation des lintearii ; tapisserie de haute laine, dont l'art, directement inspiré de modèles égyptiens ou iraniens, se perpétue jusqu'au xve siècle ; travail de la soie, effectué soit dans les gynécées du Grand Palais, soit dans les manufactures privées, dont l'expansion est favorisée par l'introduction de l'élevage du ver à soie dès 552. Mais, étant donné la valeur marchande de ses productions, l'industrie des soieries reste sous le contrôle étroit du gouvernement, représenté par un exarque ; celui-ci, nommé par le préfet de la ville, veille à l'application des règlements de l'État par les cinq corporations chargées de l'achat, de la fabrication et de la vente de la soie et des étoffes, dont Constantinople conservera le monopole jusqu'au xiie siècle.
Parallèlement à ces industries textiles se développent celles de la teinture du dessin et de la broderie d'or, d'argent et de perles fines, qui contribuent à rehausser la somptuosité des étoffes, indispensable à la majorité des cérémonies auliques et religieuses se déroulant dans la capitale.
3.3. La capitale monétaire du monde médiéval
Enfin, Constantinople a, en fait, le quasi-monopole des industries purement artistiques de l'émaillerie, de la glyptique, de la taille des pierres dures, de l'ivoire et de la peinture sur manuscrits. Les articles ainsi fabriqués contribuent à augmenter la masse des produits faisant l'objet de transactions à Constantinople, où les activités commerciales se groupent le long de la Mesê (« rue centrale »), qui est bordée, de chaque côté, de portiques à deux étages, au fond desquels s'ouvrent, dès le ve siècle, des « auditoria » ou sous lesquels sont installées des tables de vente ; mais c'est dans l'agora, section de la Mésê comprise entre le forum de Constantin et le Grand Palais, que sont groupés les marchés les plus importants (un par profession), dont le plus actif est celui de l'or et de l'argent; le gouvernement a d'ailleurs regroupé les boutiques des changeurs (trapezitai) byzantins pour mieux les surveiller ; toutes les espèces monétaires affluent, en effet, à Constantinople pour alimenter son important commerce d'échanges et contribuent à faire de cette cité la capitale monétaire du monde médiéval.
3.4. Vertus et risques du cosmopolitisme
L'activité commerciale de Constantinople est à l'origine de l'afflux des marchands étrangers dans la ville, où ils constituent des colonies. Les premières sont établies hors de la cité, dans le faubourg de Saint-Mamas, sur le Bosphore : ce sont celles des Bulgares (sans doute dès le début du viiie siècle) et des Russes (fin du viiie-début du ixe siècle). Mais les plus importantes colonies étrangères sont les italiennes ; après les Vénitiens, établis à Constantinople dès le xe siècle et placés sous la juridiction et la protection du logothète du drome (992), apparaissent les Amalfitains, qui sont les premiers Italiens à s'établir d'une manière permanente dans la capitale impériale (ixe-xe siècles) avant d'être subordonnés à Venise, par Alexis Comnène, en 1082. Les privilèges concédés à cette date par cet empereur aux Vénitiens marquent un tournant dans la vie de Constantinople et dans celle de l'Empire, car, pour la première fois, des étrangers se voient attribuer la franchise douanière complète dans le port de la capitale ainsi qu'un quartier entier à Galata ; en 1111 les Pisans, en 1155 les Génois reçoivent des privilèges analogues, sauf en matière de douanes, dont les droits ne sont abaissés en leur faveur qu'à 40 % ad valorem.
Cette pénétration étrangère s'accentue aux xiie et xiiie siècles, le gouvernement impérial tentant, mais en vain, d'empêcher que, du fait des croisades, les courants commerciaux qui ont fait la fortune de Constantinople ne soient détournés vers les ports du Levant latin ; la multiplication des privilèges consentis dans ce dessein aux marchands occidentaux ne fait que consacrer le déclin de la cité impériale, dont le port n'est plus sillonné par des navires byzantins, mais par des bâtiments italiens, auxquels on confie même la défense maritime de l'Empire ; le caractère cosmopolite de la ville en est accentué, et son climat social altéré, tant du fait de la rivalité opposant les Italiens les uns aux autres (pillages du quartier génois par les Pisans et les Vénitiens en 1162 et en 1169) que de l'hostilité dressant les Byzantins contre les étrangers (soulèvement de 1182).
3.5. Vers le déclin
La prise de Constantinople par les croisés, en 1204, et la création de l'Empire latin accélèrent un déclin économique et politique dont les Vénitiens sont alors les principaux bénéficiaires. Le retour des Byzantins, en 1261, entraîne celui des Génois au détriment de leurs rivaux ; pourtant, un équilibre finit par s'établir entre les deux républiques marchandes présentes à Constantinople ; il se réalise finalement aux dépens de cette ville, à l'intérieur de laquelle les Vénitiens, à Galata, les Génois, à Pera, finissent par constituer de véritables États indépendants, dont les chefs, les podestats, interviennent de plus en plus souvent et de façon décisive dans le gouvernement de l'Empire, en particulier au xve siècle ; à cette époque, d'autres colonies marchandes se sont également implantées dans la cité : Catalans depuis 1290, sauf une interruption de 1352 à 1438 ; Provençaux au xive siècle ; Ragusains depuis 1431 (quartier concédé en 1451) ; Florentins, qui, ayant battu et incorporé Pise à leur État, ont hérité, en 1436, de son ancienne colonie de Constantinople.
4. La chute de Constantinople
En fait, la Nouvelle Rome, déjà éprouvée par la peste de 1076, a perdu la prospérité économique et le dynamisme démographique qu'elle a connus avant 1204. Habitée par une population de plus en plus hétérogène, où les gasmules (personnes issues d'une union entre une personne d'origine byzantine et une personne d'origine latine, dans les parties de l'Empire byzantin soumises aux croisés après la conquête de Constantinople en 1204) jouent un rôle non négligeable, victime de nombreux fléaux (peste noire de 1348-1349, épidémies de 1416 et de 1447-1348), la capitale, privée depuis le xiiie siècle des jeux et des cérémonies fastueuses de l'hippodrome, n'est plus qu'une ville dépeuplée (40 000 à 50 000 habitants en 1453), aux quartiers partiellement abandonnés, dans le cadre d'un empire qui se rétrécit rapidement.
Ne pouvant compter, pour se défendre, que sur une armée réduite à quelques milliers d'hommes et sur l'appui financier des membres des colonies italiennes, qui ont accaparé la totalité de son commerce et dont les rivalités sont souvent cause de troubles à l'intérieur de la cité, Constantinople est, en outre, déchirée religieusement par la proclamation, à Sainte-Sophie, de l'union de Florence (12 décembre 1452), lorsque les Ottomans, qui n'ont pu s'en emparer lors du siège dirigé par Muraden 1422, tentent un assaut décisif.
Aux 200 000 hommes (dont 60 000 combattants) groupés par Mehmed II pour s'emparer de la ville, Constantin XII Dragasès ne peut opposer que 6 000 à 7 000 soldats, avec lesquels il résiste pendant plus de deux mois, jusqu'à ce qu'il périsse lors du dernier assaut turc (29 mai 1453). La chute de Constantinople consacre l'effondrement définitif de l'Empire byzantin et le début de l’Empire ottoman.La ville prend alors le nom d’Istanbul.
Pour en savoir plus, voir l'article Empire byzantin : histoire.
ARCHÉOLOGIE
Occupée dès le néolithique, puis par les Grecs sous le nom de Byzance (viie s. avant J.-C.), la ville prend sa véritable dimension sous le règne de Constantin Ier. De cette époque datent l'hippodrome, dont seul subsiste le tracé, la colonne serpentine, ramenée de Delphes par Constantin, deux obélisques, dont celui de Théodose, l'aqueduc de Valens et la citerne des mille et une colonnes. Saint-Jean-de-Stoudios (ve s.) garde le type classique de la basilique des forums, couverte en charpente.
Durant le règne de Justinien Ier, un esprit nouveau apparaît dans les techniques de construction : emploi de la brique, coupoles contre-butées par des voûtes en berceau inscrites dans un plan plus ou moins carré (Sainte-Sophie, Saints-Serge-et-Bacchus, Sainte-Irène). L'église Saint-Polyeucte (édifiée entre 524 et 527) a livré un décor d'une extrême richesse. L'ornement décoratif sculpté marque les grandes lignes des édifices.
Transformées en mosquées lorsque Constantinople devient la capitale des Turcs ottomans (après la conquête de 1453), les églises des xe s., xie s. et xiiie s., construites sous les empereurs des dynasties Macédonienne et Comnène, gardent leur forme typiquement byzantine, articulée sur la croix grecque (Saints-Pierre-et-Marc, Pantocrator, Sainte-Théodosie, etc.). L'église Saint-Sauveur-in-Chora (vie s., restaurée au xie s.) conserve son iconographie byzantine avec des peintures et des mosaïques du xive s. Vers la Corne d'Or, il ne subsiste des palais impériaux que les restes de ceux qui ont été reconstruits pour les Paléologues au xiiie s. L'imposante enceinte de la ville (élevée au ve s. et restaurée au xiie s.) demeure visible en quelques endroits.
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